Pour
le Mouvement Républicain et Citoyen, l’Europe est un enjeu majeur.
C’est une des clés de l’avenir de la France. D’autant que nous
ne confondons pas ces deux avenirs. Oui, à nos yeux le futur de la
France, comme celui des autres nations de l’Union Européenne, si
elles le décident, doit être pensé en premier lieu pour lui-même.
La France, nation politique, nourrie d’un passé dans lequel elle a
su montrer la voie de l’émancipation des peuples, n’est
pas « finie », ainsi que Jean-Pierre Chevènement a
su le montrer dans une approche combinant l’histoire lointaine,
l’histoire proche et l’analyse politique,
Cela
veut-il dire que l’Europe ne jouerait pas un rôle essentiel dans
la construction de notre futur ? Certainement pas. Mais la seule
approche qui vaille de la question européenne est celle d’une
lecture à la lumière de chacune des nations qui la composent. Par
là même, notre approche est celle d’une construction de l’Europe
qui ne tourne pas le dos aux nations.
Nous
touchons là à un identifiant essentiel de notre mouvement depuis sa
création en 1992. Pour le MRC, la question européenne,
fondamentalement liée à la question de la souveraineté, est
indissociable de la question de la Nation. Corollaire : c’est en
l’Etat que réside selon nous le pouvoir légitime de représenter
le peuple et de négocier en son nom. Il y a là une position
fondatrice, celle-là même qui distingue le MRC des autres partis de
gauche que ce soit le PS, EELV, le PC, le Parti de gauche ou le PRG.
De
cette position de principe découlent nos analyses, notre engagement
et nos propositions. Nous avons une ambition pour l’Europe. Mais
cette ambition n’est pas un rêve déconnecté des réalités. Nous
voulons nous confronter avec les faits sans pour autant en tirer la
conclusion que seule la résignation ou l’irréalisme seraient
possibles.
Tel
est le pari du MRC.
I/
Il y a une question européenne : elle ne devrait plus être niée
par qui que ce soit.
Nous
nous trouvons aujourd’hui à un tournant historique qui se fonde
sur un paradoxe : en France, et à rebours de l’opinion
majoritaire, les partis sont pour l’essentiel dans le déni.
Les
partis européistes, en premier lieu le PS et l’UMP, sont si
longtemps restés dans la dénégation des vices fondamentaux de la
construction européenne qu’ils peinent à sortir de la croyance
aveugle. C’est là d’ailleurs un trait marquant de la politique
française au tournant des années 1990 : Maastricht aura sanctionné
la rencontre des deux principaux partis de notre pays autour de
l’Europe et du marché. Or il sera impossible de dessiner un futur
européen si l’on ne prend la mesure de ces défauts. C’est le
principal obstacle auquel se heurte toute véritable avancée sur la
question européenne.
Si
l’UMP n’a pas changé d’un iota depuis le choix de la
soumission à la volonté allemande fait par le président Sarkozy,
on sent au Parti socialiste plus de déchirement devant les
développements néfastes les plus récents de la construction
européenne. Mais il lui reste beaucoup à clarifier : peut-on mettre
sa foi dans un budget fédéral qui sanctionnerait une intégration
plus poussée alors que les besoins de financement des différents
pays sont structurellement différents de par leur démographie, leur
système de transferts sociaux ou tout simplement leur situation
économique ? Peut-on se contenter de pointer au passage les effets
négatifs de l’euro cher — prise de conscience nouvelle et en
elle-même positive — en évitant d’analyser les erreurs de la
monnaie unique et la profondeur de la crise qui frappe la zone euro ?
Répondre
à ces questions par des avancées vers plus d’Europe, plus
d’Europe fédérale, une Europe de l’intégration solidaire ne
conduit qu’à l’impasse. Il s’agit d’une fuite en avant : on
connaît le remède avant de poser le diagnostic.
On
voit bien se dessiner à gauche une alternative à l’européisme du
PS –tous courants confondus. C’est l’approche par l’ « Europe
des peuples » du PCF, de J.L. Mélenchon et d’une partie
d’EELV. Mais où mène cette Europe réduite au sans frontiérisme
— avatar de l’internationalisme — des travailleurs et des
laissés pour compte de la crise ? Cette approche pèche par manque
de perspective politique et, quoique fondée sur une juste critique
de l’euro, elle ne débouche sur aucune proposition alternative
crédible. De même que l’européisme socialiste nie la nation,
l’ « Europe sociale », et « anti-patriarcale » du
Front de gauche nie l’Etat en refusant d’y voir le protecteur
naturel des plus faibles et le porteur légitime de la souveraineté
nationale. Pour qui veut faire une Europe des peuples l’Etat est un
passage obligé : voilà ce qui nous différencie de l’approche du
Front de Gauche.
Quant
au PRG inutile d’épiloguer sur sa vision constante d’une Europe
fédérale « plus intégrée, plus citoyenne » dotée
d’un gouvernement et notamment d’un ministre des affaires
étrangères européen qui persisterait à prolonger l’idéal
impraticable et dangereux des pères fondateurs. Comme les mouvements
centristes du Modem et de l’UDI, il ne parvient toujours pas à
tirer les conclusions pourtant évidentes des résultats réels d’une
construction européenne rêvée. On remarque certes aujourd’hui un
doute chez une partie des centristes, ceux qui étaient attachés à
la cohérence d’une Europe faite pas à pas par l’harmonisation
progressive des systèmes. Mais cette critique de l’état actuel de
l’Union Européenne est le fait de cercles de pensée et rarement
des partis eux-mêmes.
On
voit enfin se dessiner à droite une alternative à l’européisme
de l’UMP. Le Front national, dans sa version « Bleu
Marine », devenue dominante, s’alimente au constat de l’échec
européen. Il y trouve toutes les denrées
nécessaires
au véritable détournement des valeurs patriotiques auquel il se
livre de façon de plus en plus systématique : la constante
propension des instances de l’Union Européenne à promouvoir les
marchés financiers lui permet de renouer non sans gourmandise avec
la détestation des élites mondialisées qui fut un des fonds de
commerce de l’extrême-droite avant 1940 ; l’ouverture des
frontières lui offre un boulevard pour se concentrer sur les risques
d’une immigration incontrôlée ; le déclin des valeurs
nationales, telle la laïcité, accentué par leur dilution dans
un « espace » sans identité, est l’occasion
permanente de stigmatiser l’islam. En bref si l’UE n’était pas
ce qu’elle est, jamais le FN n’aurait l’audience qu’il a dans
notre pays. Et cela vaut pour la montée de l’extrême-droite dans
toute l’Europe.
Nous
sommes, nous, au contraire, pour une analyse sans concession des
graves dérives qui ont marqué la construction européenne. Nous
pouvons parler aujourd’hui d’un véritable tournant historique,
celui de la prise de conscience par une majorité de nos concitoyens
que l’évolution de la construction européenne, cela ne va pas.
L’opinion sent confusément que le système complexe auquel les
Etats ont consenti n’est pas le bon. C’est pourquoi il faut
analyser cette évolution historique et, c’est un devoir militant,
la rendre lisible.
Dérive
initiale, celle de l’Europe des pères fondateursii : la « méthode
inductive » qui devait conduire à une intégration de
pays comparables par leur niveau économique et social a débouché
sur un édifice complexe dans lequel la bureaucratie de la Commission
a rapidement pris le pas. N’oublions pas que la tentation de
subordonner les Etats date de cette période, avec les arrêts de la
Cour de Justice des communautés européennes selon lesquels la
construction européenne constitue un ordre juridique souverain qui
s’impose aux Etats nationaux ».
Dérive
seconde : l’élargissement au-delà de 15 aux 27, puis aux 28,
intégrant des zones appelées à se faire une véritable concurrence
interneiii, sans réelle recherche d’une cohésion économique et
sociale, avec des pays de l’Est tout tournés vers le grand large
comme l’a montré la guerre d’Irak et producteurs d’une
immigration incontrôlée soit à la source soit comme zones de
passage. Ils sont aujourd’hui les plus âpres défenseurs avec le
Royaume-Uni, du libre-échangisme total. Cet élargissement est ainsi
le contre-modèle de l’Europe « de l’Atlantique à
l’Oural » à laquelle l’Histoire n’a pas — et
c’est grand dommage — consenti.
Dérive
troisième, la plus grave : la création d’une monnaie unique,
absurdité qui a ligoté des économies à la fois hétérogènes et
concurrentes, endommagé gravement la compétitivité des pays du
Sud, dont la France, et conduit aujourd’hui dans une
course effrénée vers un improbable salut. Le « sauvetage
de la zone euro », qui semble relever de la doctrine de la foi
tout en servant les intérêts politiques de l’Allemagne, précipite
l’Europe ou ce qu’il en reste dans l’impasse de la récession.
Encore
faut-il ajouter à ce constat le poids décisif qui a été celui du
triomphe du capitalisme financier. Appuyés sur le vent puissant de
l’idéologie libérale, boostés par l’effondrement de l’URSS,
les marchés « ouverts » ont installé une
prédation sans frein qui a asphyxié l’économie réelle.
La « concurrence libre et non faussée », élargissant
les marchés, ouvrant les entreprises européennes aux OPA de toute
nature, prohibant sévèrement les interventions publiques, cassant
les services publics, tend aujourd’hui à achever la
déconstruction des Etats nations. Ce biais puissant de la
mondialisation libérale qui ne résulte pas directement des
structures institutionnelles de l’Europe s’est ajouté à leur
effet négatif. Abandon de l’Etat et de la Nation avec, aux
commandes, une élite hors sol chez laquelle l’idéologie ultra
libérale empruntée au modèle anglo-saxon se conjugue avec
l’obsession germanique des dangers de l’inflation et débouchant
sur une vision faussée des conditions de la prospérité de demain.
Voilà la situation actuelle.
L’Europe
a ainsi été construite depuis plus de trente ans sur un triple déni
: déni de souveraineté, déni de prospérité et déni de
démocratie.
Et
ce serait cette Europe-là que l’on demanderait aux peuples
d’accepter ? Passe encore, si l’on est cynique, que la démocratie
des décisions y perde si la prospérité était assurée. Mais le
referendum sur la « Constitution européenne » l’a
bien montré : notre peuple — comme d’autres sans doute — a
bien compris que l’un et l’autre y perdraient gravement et
simultanément. Fait remarquable : cette prise de conscience a été
majoritairement celle de la tranche d’âge des 18-25 ans.
La
prise de conscience de l’opinion française trouve un écho de plus
en plus fort dans l’euroscepticisme qui monte en Europe, chez des
peuples soumis à des gouvernements sans pouvoirs dans une Europe
sans gouvernement.
Conclusion
: connaître la force des obstacles
Avec
J.P. Chevènement, nous avons analysé depuis 20 ans les erreurs, les
blocages et pour finir, depuis le Traité sur la croissance et la
gouvernance (TSCG) adopté — contre notre vote — en 2012 , les
tendances suicidaires d’une Europe qui s’enfonce dans le
crépuscule des idoles financières, d’une technocratie sans
vision, sans ambition et sans patriotisme, fût-il européen. Une
Europe qui organise sa propre impuissance dans un monde où jamais la
souveraineté de nations puissantes ou l’influence d’aires de
civilisation n’a été plus impérieuse.
L’ « Europe
européenne » du général de Gaulle, est-elle un rêve
dépassé ?
Nous
préférons rechercher avec quels moyens la construire demain même
si nous savons que l’UE d’aujourd’hui se caractérise par une
interdépendance dont il faut aussi prendre la mesure.
II/
Notre Europe, c’est une autre Europe
La « confédération
européenne » du plan Fouchet était, nous l’avons
souvent souligné, une idée forte. Elle a trouvé un écho affaibli
dans l’idée de « coopérations renforcées » censée
offrir une alternative intergouvernementale aux solutions de type
fédéraliste.
Il
y a certainement là une piste pour une réorientation de l’Europe.
L’exemple du « deuxième pilier », celui de la
PESC (défense et politique étrangère) est parlant : on voit très
bien comment il a été impossible — et fort heureusement —
d’ « intégrer » des actions autres que
mineures dès lors que les intérêts nationaux des Etats membres ne
sont pas convergents voire compatibles.
Mais
est-ce d’une Europe réorientée dont nous avons besoin aujourd’hui
ou devons-nous concevoir une ambition plus forte ? La question mérite
d’être débattue.
A/
Des vertus d’une Europe réorientée
Il
s’agirait d’abord de traiter l’urgence : la crise de la zone
euro.
1/
L’urgence, en cas de nouvelle crise de l’euro (en Espagne ou en
Italie par exemple) serait de faire intervenir la BCE pour acheter
directement des titres de dette publique à dix ans (en tout cas
l’annoncer aux marchés pour dissuader la spéculation), lancer une
politique d’acquisitions d’actifs par la banque centrale
(quantitative easing) pour faire baisser le cours de l’euro,
articulée avec un plan de relance à l’échelle européenne, ayant
pour objectifs explicites la croissance et l’emploi , ce qui
conduit à revoir les statuts de la à BCE.
2/
Si aucun accord ne se dessinait pour faire de la BCE une banque
centrale comme les autres, il deviendrait nécessaire de négocier
avec tous les partenaires européens- et d’abord l’Allemagne qui
détient la clé d’une opération « ordonnée » de
mutation de l’euro, de monnaie unique en monnaie commune, en se
fixant l’objectif pour celle-ci d’une quasi-parité avec le
dollar. Au sein d’un Système Monétaire Européen bis de nouvelles
parités seraient fixées pour corriger les écarts de compétitivité
(réévaluation pour l’euromark, dévaluations plus ou moins
limitées pour les autres monnaies).
Un
plan d’aide correspondant à une tranche du Mécanisme Européen de
Stabilité (à fixer) serait mis en oeuvre pour aider les pays
les plus fragiles à supporter le choc d’une dévaluation.
Il
s’agit d’un double ajustement, rétablir les monnaies nationales
au sein de la zone euro qui fluctueraient entre elles mais seul
l’euro serait convertible avec les autres devises. Ainsi, les
monnaies s’ajusteraient à la compétitivité réelle de chaque
pays. Cela permettrait à certains pays, dont le nôtre, de retrouver
un niveau de prix concurrentiel à l’exportation.
Compte
tenu des politiques d’assouplissement monétaire menées par les
grandes puissances, en particulier par les Etats-Unis, préserver
l’économie européenne requiert nécessairement de retrouver un
cours de l’euro ne pénalisant pas la compétitivité de nos
entreprises.
Si
l’Allemagne refusait aussi bien le plan A (revoir le rôle de la
BCE) que le plan B (mutation ordonnée de l’euro de monnaie unique
en monnaie commune), elle prendrait la responsabilité d’un
éclatement sauvage de la zone euro.
Si
l’Espagne était contrainte à la sortie (avec une dévaluation
compétitive), la France devrait l’accompagner dans ce choix. Ce
serait la survie de notre industrie qui serait en jeu.
Si
l’Allemagne refusait une remise en ordre négociée dans l’intérêt
européen, les autres pays seraient amenés à en tirer les
conséquences.
3/Il
conviendrait ensuite de procéder à une révision des Traités
européens qui :
—promouvrait
les coopérations renforcées. Elles permettraient d’adopter —
par un mécanisme revu de celles-ci —, un plan de relance pour
l’ensemble de la zone euro et permettraient à certains Etats de
conduire ensemble des projets d’envergure (modèle : Airbus) en
matière de développement économique, de recherche,
d’infrastructures (avec des ambitions particulières au niveau des
énergies décarbonées
«made
in Europe »), des transports ou encore de la surveillance des
côtes).
—reviendrait,
dans le cadre d'un traité modificatif, sur certaines clauses des
traités actuels :
En
s’assurant d’une prévalence du Conseil sur la Commission ;
En
revoyant le mode d’adoption des décisions les plus importantes
avec restauration de la règle de l’unanimité ;
En
révisant la police budgétaire attribuée à l’Union européenne
par le TSCG, ainsi que les cinq règlements et la directive de
l’Union européenne (le«six pack»et le«two pack»)avec prise en
compte des exigences particulières de certains pays en matière de
défense nationale (dissuasion
nucléaire,
pays à frontières fortement vulnérables à l’immigration
clandestine ou pays ayant des frontières avec des pays en
belligérance). Au-delà il faut aussi obtenir que les
investissements d’avenir soient exclus du calcul des déficits
publics ;
En
remettant en cause le principe de la«concurrence libre et non
faussée»qui prohibe toute aide publique sélective et, plus
généralement, les clauses du Traité permettant le dumping social
et se référant à une définition insuffisante du périmètre et
des prérogatives du service public.
B/
Une Europe autre, tout autre
C’est
l’alternative la plus ambitieuse. Elle est au niveau de nos
exigences et, osons-le dire, de nos analyses de longue portée. Elle
peut être portée par une crise, envisagée ci-dessus, qui
proviendrait du refus de l’Allemagne de négocier dans le sens de
l’intérêt européen. En tout état de cause, quel que soit l’état
de crise ouverte ou larvée comme aujourd’hui que vit l’Europe,
convaincre l’Allemagne est un passage obligé.
L’Allemagne
aujourd’hui a (re)trouvé la place à laquelle elle aspire depuis
si longtemps : première puissance d’Europe et puissance économique
mondiale. Pays central dans tous les sens du terme, elle s’appuie
sur sa réunification, ses relations privilégiées avec l’Europe
orientale et une croissance portée par sa puissance exportatrice.
Les Allemands payent, pour cela, un prix certain jusqu’ici
consenti. Dans l’UE et la zone euro, ils défendent leur intérêt
national.
La
France doit, elle aussi, assumer son intérêt national, pour son
peuple, pour son avenir mais aussi au bénéfice, à moyen et long
terme, de l’Europe, de l’Allemagne elle-même et de la paix. Elle
doit parler franc et fort à l’Allemagne : c’est la garantie de
l’indispensable travail commun.
Elle
sera d’autant plus convaincante qu’elle saura avancer fermement
sur la voie de la réindustrialisation, développer ses atouts
propres et trouver des alliés en Europe et à l’extérieur autour
de la nécessaire croissance à retrouver. Celle-ci devra
s’accompagner prioritairement d’une parité monétaire acceptable
avec les autres régions du monde mais aussi de l’établissement de
protections raisonnables tenant compte des différences sociales et
environnementales des conditions de production.
Mais
ces conditions d’une prospérité retrouvée en Europe ne peuvent
se faire à institutions constantes ou à peine réformées.
Aujourd’hui en effet certains pays bloquent tout ce qui peut aller
dans le sens d’un redressement volontariste de la zone Europe. Une
volonté nouvelle doit s’appuyer sur de réelles possibilités de
changement. L’ architecture même du Traité y fait aujourd’hui
obstacle.
1/
Une réécriture plus fondamentale que celle envisagée ci-dessus des
traités européens rechercherait une Europe remise sur ses pieds
pour obtenir une Union intergouvernementale : décisions les plus
importantes prises à l’unanimité du Conseil, réduction de la
Commission à un organe d’exécution, maintien du Parlement comme
émanation des Parlements nationaux, suppression de la Cour de
Justice Européenne et remplacement par une cour arbitrale pour les
conflits entre États. La révision des statuts de la BCE dépend
quant à elle des différentes hypothèses de crise de la zone euro
mais la sortie programmée de la zone euro (plan B) fait
naturellement partie de cette Europe « autre ». Il
ne faut cependant pas s’interdire une révision des mécanismes
institutionnels de l’UE dans le cas où l’euro serait maintenu
avec au minimum mise en oeuvre du plan A : sans celui-ci, refaire une
Europe institutionnelle n’aurait aucun sens.
Une
refonte large des Traités constitutifs, qui a déjà été
entreprise avec le concours de militants du MRC, pourrait servir
d’appui à notre réflexion: que ne pouvons-nous plus accepter en
Europe ? Avec quels éléments du Traité peut-on trouver un
compromis ? Un atelier « Pour un nouveau Traité
européen » devrait être mis en place sur cette base.
2/
Serait inévitable la modification du périmètre de l’UE avec la
constitution d’un cercle de pays prêts à accepter le nouveau
Traité et à aller de l’avant dans des coopérations
intergouvernementales vers lesquelles auraient basculé l’essentiel
des compétences. Dès lors que le Traité nouveau constitue un
cercle de démocratie, respectueux des souverainetés, s’engageant
sur une intégration en certains domaines, il n’y aurait aucun
inconvénient à élargir ce cercle.
3/
L’institution de traités de partenariat avec d’autres zones du
monde (Russie, Maghreb, Turquie, Moyen-Orient et Amérique latine,
sans oublier l’Afrique où se joue une part de notre avenir)
accompagnerait cette rénovation. Plus réaliste et plus ambitieuse à
la fois que la PESC, cette voie permettrait une véritable
réémergence de la zone européenne dans le monde multilatéral en
lieu et place de la recherche laborieuse d’un accord sur les
questions diplomatiques, d’ailleurs totalement irréaliste, sur les
grands enjeux (tel le Moyen-Orient). Les partenariats seraient
économiques et culturels, la question des accords commerciaux étant
complexe dans le jeu de l’OMC auquel l’Europe seule ne pourra
s’opposer totalement mais dans lequel elle pourra peser comme elle
le fait dans le cadre des futures négociations transatlantiques pour
défendre l’exception culturelle. On ne refera sans doute plus les
accords de Lomé mais l’Europe pourrait exiger ses accords
spécifiquement dévolus au développement de l’Afrique
subsaharienne.
4/
Une négociation sur la régulation monétaire internationale serait
un acte essentiel de cette Union rénovée. A la condition stricte
que soit créée une Europe véritablement intergouvernementale, avec
décision à l’unanimité, il serait utile de créer un « G6 » ad
hoc, dans lequel les Etats de la zone euro parleraient d’une seule
voix aux autres puissances monétaires (Etats-Unis, Chine, Japon,
Royaume-Uni, Russie).
Sur
un plan général, toute délégation à l’UE dans le cadre de
négociations internationales doit être subordonnée à un accord
des gouvernements sur la position à défendre.
iLa
France est-elle finie ?, Fayard 2011.
J.-P.
Chevènement, La faute de M. Monnet.
iii
Sans compter l’intégration en 1972 du Royaume-Uni, cheval de Troie
de l’atlantisme devenu le principal pourvoyeur idéologique du
libéralisme et du capitalisme financier qui devait faire tant de mal
à l’Europe à compter des années 80.
iv
Textes contraignant ses Etats-membres à appliquer une politique
libérale de stricte rigueur budgétaire, à défaut de laquelle ils
sont lourdement sanctionnés.